Hausse des prix de l’énergie et des matières premières, allongement des délais de livraisons, marché déstructuré… D’après le rapport 2022 de l’Observatoire du Véhicule Industriel (OVI), le marché du véhicule industriel dans son ensemble est « en équilibre instable ». Un constat qui pousse l’OVI à appeler les acteurs au réalisme face à la nécessaire transition énergétique.
L’analyse de l’OVI sur la situation du marché du véhicule industriel en ce début d’année 2022 est assez préoccupante. Pour Jean-Michel Mercier, directeur de l’Observatoire, « la situation économique globalement positive [en 2021] s’est accompagnée, en France, d’un faible niveau de défaillances et d’une forte reprise de l’emploi en contrepartie d’une hausse des prix de l’énergie et plus largement des matières premières. Des tensions sur l’ensemble des chaînes de production de nombreux produits se sont révélées, ce qui a engendré un déséquilibre de l’offre et des incertitudes en termes de délai de livraisons et de prix. »
Des coûts à la hausse pour les transporteurs
Du côté des entreprises de transport, si la reprise est là, les difficultés liées à la pénurie de conducteurs, l’augmentation des coûts et les tensions dans les chaines d’approvisionnement compliquent l’activité et viennent impacter les marges des entreprises. Une récente étude du cabinet BP2R confirme que les transporteurs faisant état d’une hausse d’activité sur les neuf premiers mois 2021 sont 81%, 25% de plus qu’en 2019. Mais 82% des entreprises déclarent des difficultés de recrutement depuis début 2021.
Après une hausse du prix de revient de 4,8% en 2021, pour 2022, le Comité National Routier (CNR) prédit une hausse des coûts moyen de 4,2% liée à l’évolution du coût du personnel, des matières premières, des matériaux, des véhicules (+10% sur le prix des véhicules attendus par le CNR en 2022), du gazole, des pièces détachées, de l’AdBlue ou encore des pneumatiques. Ces hausses généralisées posent la question de la répercussion sur les prix.
Un marché en reprise, mais grevé par les délais de livraison
Sur le marché du véhicule industriel, le rebond suite à la crise de 2019 est visible dans tous les pays européens mais la reprise reste modérée, due en grande partie aux délais de livraisons, induits par les problèmes d’approvisionnement de la filière.
En France, le résultat global de l’année pour les véhicules industriels (tracteurs et porteurs) est positif, avec un résultat final pour 2021 qui devrait être en retrait de 20% par rapport à 2019. Du côté des véhicules utilitaires (VUL), le recul de 2020 a été limité (-16%), mais la reprise sera modérée en 2021. Enfin, depuis 2020, les volumes du marché d’occasion sont largement supérieurs au marché neuf (le ratio VO / VN est de 1,2 en 2020 et 2021), ce qui s’explique par la forte croissance des délais de livraisons qui conduit les utilisateurs finaux à se tourner vers le marché VO afin de répondre à leurs besoins.
Hausse durable des prix des véhicules en perspective
Pour Benoit Daly, secrétaire général de la Fédération Française de la Carrosserie (FFC), « les difficultés d’approvisionnement sont au cœur des enjeux pour les carrossiers constructeurs en 2021 et le seront également en 2022 […]. Les premiers signes de cette problématique se sont manifestés dès le démarrage de l’exercice 2021, avec un double effet : d’une part une hausse vertigineuse des cours des matières premières, d’autre part une difficulté à trouver les matières premières elles-mêmes auprès des fournisseurs ». Les pénuries de composants électroniques se traduisent depuis le printemps 2021 par des interruptions de chaînes de production, occasionnant en cascade une désorganisation pour l’ensemble des maillons de la chaîne de valeur. « Ces tensions sur les approvisionnements sont inédites pour le secteur par leur conjonction, leur ampleur, leur caractère imprévisible et leurs effets sur le long terme. C’est toute la supply chain de la carrosserie construction qui est impactée par cette situation ».
« Dans ce contexte, il faut se rendre à une évidence : le véhicule – lourd comme léger – de demain sera plus cher à l’achat » Benoit Daly – secrétaire Général de la FFC Constructeurs
Des délais de livraisons à rallonge
Il s’agit de l’indicateur le plus problématique en cette fin d’année 2021. Les délais de livraisons des constructeurs, déjà longs, sont passés à 339 jours fin 2021, soit près d’un an, en moyenne, avant de livrer certaine commande. Selon les concessionnaires, les constructeurs ne peuvent pas descendre leurs délais à moins de 180 jours et certains montent jusqu’à 500 jours.
Quels impacts sur les véhicules propres ?
Du côté des solutions alternatives, « tout reste à faire » pour l’OVI : la part du parc sous vignette Crit’Air 0 et 1 reste marginale (1,1%), tandis que la part des Crit’Air 3 à 5 représente un véhicule sur deux.
Parc Véhicules industriels au 1er janvier 2021 | Parc total | Nouvelles énergies en % du parc total | Parc Porteurs | Nouvelles énergies en % |
Nombre | 600 283 | 383 895 | ||
Dont GNV | 6 603 | 1,1% | 4 073 | 1,1% |
Dont électrique | 139 | NS | 136 | NS |
% parc total | % parc total | |||
Dont Crit’Air 3 à 5 | 289 288 | 38% | 237 363 | 62% |
Du côté des VUL, l’âge moyen du parc s’élève à 9 ans et 7 mois et 21% ont plus de 15 ans.
Parc VUL au 1er janvier 2021 | Nombre | Nouvelles énergies en % du parc total |
Parc total | 6 029 070 | 100% |
Dont GNV | 3 060 | NS |
Dont électrique | 43 410 | 0,7% |
Dont Crit’Air 3 à 5 | 3 015 650 | 50% |
Dont détention particuliers | 2 782 500 | 46% |
L’achat d’un véhicule de nouvelles technologies, comme le GNV ou l’électrique, présente encore une faible part des clients des concessions VI, passant de 10% à 12%. La part estimée par les concessionnaires des véhicules propres dans les immatriculations est cependant plus optimiste qu’auparavant. 33% voient leur part dépasser les 25%, 47 % la voient entre 10 et 25 % et seulement 20 % l’estiment en-deçà.
Pour la FFC, « la transition énergétique de la mobilité professionnelle impose un renouvellement accéléré des flottes dans un contexte de tournants technologiques majeurs, singulièrement en matière de motorisation. Or, [ces] technologies […] sont très logiquement plus onéreuses que des technologies d’évolution. Cela d’autant plus que les constructeurs sont amenés à explorer plusieurs alternatives avec des volumes de production qui dépendront de l’usage des véhicules. Le TCO (Total Cost of Ownership) demeure une équation particulièrement complexe, d’autant plus à l’heure des ruptures technologiques concernant les motorisations et, ce faisant, avec une inconnue sur la valeur de revente des véhicules. Pour autant, le calendrier à la fois court et contraignant des autorités publiques, tant au niveau local, avec les Zones à Faibles Emissions, qu’au niveau européen, avec « Fit for 55 », pousse les utilisateurs à faire aujourd’hui des choix au moment où la capacité de production industrielle de l’ensemble du secteur automobile est en forte tension, aussi bien au niveau français que dans la plupart des autres pays européens.»
Pour Jean-Michel Mercier, face à cette situation inédite, « la mise en œuvre de la transition énergétique, qui reste un sujet brûlant, s’accompagne de la nécessité de se fixer un cadre plus réaliste afin de permettre une mise en œuvre efficace. »
Pour consulter l’analyse complète et le communiqué de presse : Observatoire du véhicule industriel (OVI) : https://trucks.rentalsolutions.bnpparibas.fr/centre-media/ovi/