Les acteurs publics comme privés ont compris de longue date le caractère systémique des questions de mobilité. Toutefois partager ce constat ne signifie ni s’accorder sur le diagnostic ni se fédérer autour de solution(s).
La décarbonation des mobilités ouvre au choix une perspective qui semble infinie. Ou un débat et des défis intermédiaires qui iraient au-delà. Ainsi la question de la mobilité au/du quotidien structure les politiques publiques comme les stratégies des entreprises.
Alors les sénateurs pointent des certitudes. Le modèle automobile actuel touche des limites. Nous sommes certains d’être à l’aube d’une nouvelle ère des mobilités. Reste à lever le brouillard de la transition. Pour filer la métaphore chère à Marc Halévy et tenter une explication de ‘ce qu’il nous arrive‘.
Dès lors que le mythe d’une politique publique d’aménagement équilibré des territoires se serait effondré, le pacte républicain de l’aménagement du territoire deviendrait-il caduque ?
Un coût de l’énergie Volatile
L’énergie est un bien soumis à des cours d’une forte volatilité, renforcée par les enjeux géopolitiques d’une répartition inégale à la surface de notre globe. Cette volatilité est inscrite dans la (longue) durée quand les réponses sont plutôt ponctuelles (TiPP flottante, primes énergie…). Les effets ciseaux d’une reprise rapide et d’une transition énergétique inachevée génèrent des soubresauts déstabilisants. Le coût du plein en hydrocarbures augmente. Le coût de notre approvisionnement en gaz, encore dépendants des ressources fossiles, s’envole. La concurrence pour la consommation en électricité pose la question de la capacité du réseau face à la compétition d’usages croissant plus vite que les actions de Maîtrise de la Demande en Energie et le développement des EnR. Donc à court terme, la facture énergétique explose quel que soit le vecteur.
La bonne nouvelle ?
Les temps de retour sur investissements pour décarboner certains usages pourraient bien être raccourcis. La problématique à court terme ? la précarité énergétique des habitants des zones les moins denses augmente. L’augmentation des coûts de l’énergie (pour transporter les biens notamment) vient dégrader la compétitivité des productions industrielles françaises.
L’attractivité des entreprises dynamiques mais qui ne sont pas localisées à proximité des réseaux à haute fréquence ou en dehors des aires métropolitaines diminue…
Les chemins incertains de la transition
Cette conjoncture augmente le doute, la difficulté à arbitrer. Faute de « bonne solution », il n’est pas rare de constater que ces investissements sont ajournés malgré tous les signaux d’alerte qui invitent à ne pas choisir l’inaction. Etablir une feuille de route d’une décarbonation de la mobilité conduit à la mise en mouvement, à la prise de risque.
C’est bien ce qui a conduit les parlementaires de la Délégation à la Prospective du Sénat à s’emparer de ce défi. Ces élu.e.s sont aussi bien souvent des élu.e.s locaux en charge de l’Autorité Organisatrice des Mobilités ou de la gestion des politiques sociales. Donc en première ligne quand la mobilité n’est plus accessible. Comment imaginer des territoires peu denses, souvent déjà peu dotés en transport public, sans voiture thermique ? Quelles conséquences pour les habitants de ces espaces quand la voiture est le sésame pour accéder aux services publics, à la culture mais aussi à la formation et à l’emploi ?
De longue date, les géographes de l’espace vécu s’emparent de ces problématiques. Par exemple les travaux de Céline Massal sur l’évolution du commerce de proximité illustre les questions de la perte de proximité accrues par les enjeux de précarité énergétique et de l’accessibilité de l’offre de mobilité décarbonée.
Des scénarii complexes pour des questions complexes
Parler d’un monde « simple » des Trente Glorieuses est sans doute un raccourci un peu grossier… Certes les salaires indexés sur l’inflation progressaient mécaniquement et compensaient les chocs pétroliers.
Le XXème siècle était aussi celui d’un pétrole abondant et peu cher. Ses externalités négatives et donc le coût réel étaient mal appréciés sinon ignorés.
Ce qui nous semblait LA meilleure solution est aujourd’hui une problématique complexe. La décarbonation des mobilités est une absolue nécessité pour garantir, maintenir des espaces à vivre. Que ce soit dans nos métropoles appelées à devenir de plus en plus denses. Ou dans les espaces moins denses.
Aujourd’hui la globalisation, le numérique ont changé la donne des impacts et des attentes. La question de l’attractivité d’un tissu industriel, économique diffus vient à ajouter au paradoxe de zones peu denses mais dynamique. Sous nos yeux, l’organisation spatiale qui faisait référence se recompose.
Des attentes ambiguës
Moins de dépenses publiques d’une part pour “libérer la croissance et redonner du pouvoir d’achat”, plus de protection d’autre part. Densifier le territoire pour réussir la transition écologique, ne pas délaisser les zones les moins denses.
Ou réinventer un modèle de métropole dense désirable sans siphonner le reste du territoire.
Autant d’injonctions contradictoires qui conduisent parfois à la paralysie. Cette inaction est non seulement coûteuse (sur les plans humains, économiques et environnementaux). Mais elle est mortifère pour les territoires peu denses. Elle interroge notre capacité à relever le défi de la transition écologique.
Un champ de possibles
A cette heure, les parlementaires actent :
- la fin du tout automobile,
- la pertinence d’une approche des besoins de mobilités par bassins de vie,
- l’effort public pour diminuer les risques d’une assignation territoriale (investissements, cadre juridique et institutionnel…)
- et un accompagnement des initiatives privées pour expérimenter, opérer de nouvelles offres de mobilités.
Les défis sont identifiés. Les scénarii, élaborés. Place à l’expérimentation et aux décisions ?
D’après
Localtis, Mobilité Bas Carbone : une bonne résolution difficile à tenir (07/01/22)
Les Echos, Avec Connect, la SNCF met à jour sa vitrine numérique (25/01/22)