Le gouvernement a lancé, ces dernières semaines, sa Conférence nationale sur le financement des mobilités, baptisée « Ambition France Transports ». Objectifs : repenser le modèle de financement des transports et prendre en compte les enjeux auxquels est confronté le secteur, à commencer par le maintien en l’état des infrastructures la nécessaire transition écologique des mobilités.
En octobre 2024, le Conseil régional a adopté une stratégie d’ampleur pour les mobilités en Bretagne. Elles sont ainsi devenues le premier poste de dépenses régional, avoisinant 460 M€ pour l’exercice 2025 et tout porte à croire que le développement devrait se poursuivre, avec un doublement attendu des trafics d’ici 2040.
Le CESER rappelle cependant que la Région, en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité (AOM), est la seule collectivité qui ne possède pas de source de financement dédiée. « Le système de financement des mobilités atteint un point de rupture entre des besoins et une attente des populations toujours croissants et une incapacité à lever de nouvelles sources de financement », souligne le CESER. En rappelant que « les inégalités sociales et territoriales ont été l’un des éléments déclencheurs de la crise des « Gilets jaunes » et que les attentes restent fortes à ce jour. »
« Face à la conjonction d’un modèle de financement des mobilités à bout de souffle, d’une actualité nationale aussi riche de perspectives que d’incertitudes, et de l’imminente territorialisation de nouveaux leviers fiscaux sur les mobilités, le CESER de Bretagne a souhaité contribuer au débat. »
Des enjeux immenses mais un contexte budgétaire contraint
Avant toute chose, le CESER invite la Région à ne pas renoncer à ses ambitions de service public face à une demande et des besoins toujours plus importants. Même si « la question de la fiscalité demeure un sujet sensible, avec des points de vue différents par nature et parfois difficilement conciliables », le CESER partage une double nécessité : celle de garantir dans la durée et à la hauteur prévue la contribution de l’Etat et celle de pouvoir mettre en place des sources de financement nouvelles.
Le CESER identifie cinq sources de financements majeures pour les mobilités : le versement mobilité régional et rural (VMRR), la création d’une taxe de séjour additionnelle, la relance de l’écotaxe poids lourds, la captation d’une part de la plus-value foncière générée par les investissements en mobilités ou une réaffectation des ressources liées aux concessions autoroutières.
Premier levier identifié, le VMRR permet à une Région de lever une contribution auprès des entreprises de plus de 11 salarié·es, situées dans des zones non couvertes par un « versement mobilités » traditionnel. Le VMRR vise spécifiquement les territoires périurbains, ruraux ou peu denses, aujourd’hui en grande partie exclus du financement structuré des mobilités. Pour le CESER, le VMRR apparaît « comme une opportunité de doter les Régions d’un levier fiscal stable, pérenne et dédié, à même d’accompagner l’effort de planification et d’équité dans le développement des mobilités sur l’ensemble du territoire ».
La possibilité de lever une taxe de séjour additionnelle (TSA) est ensuite évoquée, à l’image de ce qui fait en Ile-de-France. Cette nouvelle taxe pourrait représenter entre 3 et 60 M€ par an.
Cumulés, VMRR et TSA permettraient de disposer de recettes comprises entre quelques dizaines de M€ à près de 100 M€ par an. « Ces montants importants seraient de nature à dénouer l’étranglement financier dans lequel se trouvent le Conseil régional et les EPCI en termes de financement des politiques de mobilités. «
Le Ceser « attentif » aux débats sur l’écotaxe poids lourds
Sujet particulièrement sensible en Bretagne, l’écotaxe poids lourds avait suscité une forte opposition en raison de son asymétrie. Si la question devait être remise sur la table, le CESER rappelle que « toute mesure de ce type ne saurait être envisagée sans un dialogue approfondi, une territorialisation fine de son application, la prise en compte des situations particulières des différentes régions, dans un souci de péréquation régionale, et une garantie claire de réinvestissement intégral dans les infrastructures locales et dans les solutions de transport alternatives. L’exigence de transparence, d’équité et de lisibilité sera déterminante pour l’acceptabilité. »
Enfin, pour le Conseil, le débat national sur la fin des concessions autoroutières ouvre une fenêtre d’opportunité pour repenser les conditions d’usage de ces infrastructures, leur gouvernance et la réaffectation des recettes liées. « Le CESER estime qu’il serait pertinent d’explorer les conditions dans lesquelles une part des ressources issues de cette transition pourrait être fléchée vers les mobilités du quotidien, en premier lieu la régénération et la modernisation du réseau ferré national et notamment sa partie la plus utilisée, vers les territoires périphériques ou ruraux. La Bretagne, qui ne dispose d’aucune autoroute concédée, pourrait à cette occasion faire valoir une forme « d’équité territoriale », en sollicitant une réallocation compensatoire de ressources à hauteur des efforts engagés pour maintenir un réseau gratuit, mais sous forte pression budgétaire. »
Le CESER conclut sa contribution par le constat que la question du financement des mobilités ne peut plus être différée. Elle appelle une mobilisation « rapide et concertée » de l’ensemble des acteurs concernés (État, collectivités locales, entreprises, associations), autour d’une trajectoire de moyen et long terme.