-50% d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pour la France et -30% pour les transports
La SNBC 3 vise à réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises d’ici 2030 par rapport à 1990. La répartition sectorielle de l’effort à fournir attribue une réduction d’environ 30% aux transports d’ici 2030 et 57% à l’industrie.
Si la SNBC a vocation à définir la feuille de route en matière de décarbonation, la PPE permet de décrire précisément les orientations de la politique énergétique des dix prochaines années. La PPE vise ainsi un mix énergétique décarboné à 60% à l’horizon 2030. Pour atteindre ces objectifs, la transition énergétique s’appuie sur des mesures de sobriété énergétique, l’électrification des transports, l’augmentation de la part des énergies renouvelables, et le développement du parc nucléaire français. La nouvelle programmation prévoit de diminuer la part des énergies fossiles dans la consommation énergétique finale à 42 % d’ici 2030, puis à 29 % en 2035. Cette transition s’appuie également sur une baisse de la consommation énergétique finale, avec un objectif de réduction de 20% d’ici 2030 et 30% en 2035. L’effort de réduction repose principalement sur les secteurs résidentiels et tertiaires, avec des normes de performance énergétique renforcées.
Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) : réduire les émissions de gaz à effet de serre
Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE 3) : décarboner le mix énergétique
Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3) : Préparer la France à +4°C
De son côté, le PNACC entend assurer une adaptation efficace et durable aux impacts du changement climatique pour réduire la vulnérabilité du pays. Le PNACC se focalise sur la préparation aux impacts climatiques attendus pour une France à +4°C en 2100. Il articule des mesures d’adaptation dans cinq axes prioritaires pour minimiser les effets négatifs des phénomènes climatiques extrêmes : protéger la population, résilience des infrastructures, adaptation des activités économiques, mobilisation de la société et préservation du patrimoine naturel et culturel.
Dernier document stratégique, et pas des moindres, qui dessine l’avenir écologique des transports : la stratégie de développement des mobilités propres (SDMP 3). Celle-ci est une déclinaison opérationnelle de la stratégie nationale bas carbone et constitue le document stratégique de référence pour le secteur des transports. Elle présente les orientations et les actions prévues aux horizons 2030 et 2035.
« Le verdissement des modes de transport, la maîtrise de la demande, le report modal de voyageurs et l’excellence d’une logistique durable sont les conditions de la réussite de la planification écologique ». SDMP 3
L’ensemble de ces documents de planification dessine la vision nationale du futur du transport de marchandises, dans un contexte de nécessaire transition écologique. Revue de détail…
Quel mix énergétique pour quels modes à l’avenir ?
A l’horizon 2050, aucune énergie ne devra provenir des énergies fossiles. Cela signifie qu’il y aura essentiellement quatre sources d’énergie :
- La chaleur renouvelable hors biomasse : géothermie, solaire thermique, pompes à chaleur.
- La biomasse : bois et combustibles solides de récupération, biocarburant, biogaz.
- L’énergie de récupération : utilisation de la chaleur fatale de l’industrie et récupération d’énergie in situ
- L’électricité non carbonée produite par des énergies renouvelables ou nucléaire
« L’électrification sera le levier principal à déployer. Les biocarburants et le bioGNV, limités par la ressource, pourront être utilisés de manière complémentaire, pour les usages encore difficiles à électrifier aujourd’hui. L’hydrogène ne jouera un rôle éventuel qu’à plus long terme, pour des usages très spécifiques non électrifiables. » SDMP 3
L’électrification est donc la voie prioritaire identifiée par l’Etat pour le secteur des transports. D’après les projections du gouvernement, la part de poids lourds électriques dans les immatriculation neuves pourrait augmenter rapidement pour atteindre 50% en 2030. « Cet objectif de décarbonation devrait également être accompagné par un déploiement des bornes de recharge électrique en dépôt, à destination et en itinérance, indispensables à la mise en circulation des véhicules lourds. » L’Etat prévoit de construire un schéma directeur des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques légers et lourds à l’horizon intermédiaire 2035 pour les grands axes du réseau routier national.
Le soutien au déploiement de véhicules lourds électriques sera poursuivui. « Il sera opportun de poursuivre un soutien à l’électrificiation des véhicules lourds et de fixer une trajectoire d’aide pour donner de la visibilité aux acteurs. » Les modalités de maintien d’un dispositif financier pour les année suivantes font l’objet de travaux interministériels qui devraient aboutir en 2025, potentiellement au travers d’une fiche d’opération standardisée CEE pour l’achat ou la location longue durée d’un poids lourds électrique neuf ou retrofité.
Toujours sur l’électrification, le Ministère entend établir des partenariats privés / publics.
« Des discussions doivent être engagées avec les banques et les chargeurs afin d’évaluer quel rôle ils pourraient jouer dans l’électrification des flottes, notamment pour les petites entreprises. Notamment, le rôle des chargeurs en tant que facilitateurs de contrats doit être approfondi, par exemple dans l’obtention de prêts adaptés aux usages, ils peuvent sécuriser des contrats avec des transporteurs avec qui ils travaillent de façon régulière ».
Pour les biocarburants, l’enjeu actuel identifié par l’Etat est de développer la production de biocarburants dits « avancés », issus principalement des coproduits, résidus et déchets n’étant pas en concurrence avec l’alimentation. La trajectoire envisagée est de flécher les biocarburants vers les segments d’activité et les modes dans lesquels les alternatives sont difficiles à mettre en œuvre, en particulier lorsque la solution décarbonée est peu mature, ou inexistante.
A court terme, la production de ces biocarburants avancés doit compléter l’offre de biocarburants 1G pour entamer la décarbonation de la mobilité lourde (maritime, fluvial, aérien) en plus du transport terrestre. A moyen et long termes, ces carburants devront permettre une décarbonation plus forte de la mobilité lourde (transport aérien et maritime, engins de chantier, engins agricoles et sylvicoles, transports ferroviaire et fluvial, pêche…).
Le recours au GNV / bioGNV devrait rester à moyen et long terme limité aux cas où l’électrification est impossible. En 2030, la PPE 3 fixe un objectif de 50TWh de production de biogaz, dont 44TWh injectés dans le réseau de gaz distribué en France, ce qui représenterait environ 15% de la consommation de gaz de réseau.
La production d’hydrogène sera elle soutenue selon 3 axes : les pôles de consommation « centralisés » dans les plus grandes plateformes industrielles (Fos-sur-Mer, Dunkerque, vallée de la chimie, vallée de la Seine), des pôles semi-centralisés autour des plateforms industrielles de plus petites taille et, si le bilan économique s’en confirme, une activité plus diffuse, limitée à des cas d’usage particulier ou au besoin d’un maillage pour les mobilités lourdes ou intensives. Pour la mobilité, l’hydrogène serait ainsi fléché pour les modes et usages pour lesquels il n’existe pas d’alternative opérationnelle crédible au vecteur électrique : le fret fluvial, le ferroviaire non électrifié (fret et voyageurs), certains poids lourds, « si ce vecteur énergétique s’avère pertinent à la fois financièrement et en termes de consommation d’énergie sur le cycle de vie ».
Le graphique suivant précise la répartition des différents types de carburants en projection.
Energies alternatives, oui, mais avant tout baisse de la demande en énergie
Outre les énergies alternatives, pour la SDMP 3, le premier levier de décarbonation du transport de marchandises reste la maîtrise de la demande de transport. L’Etat entend ainsi favoriser les baisses de consommation d’énergie notamment via la maîtrise de la demande de fret et l’optimisation des flux logistiques, avec le développement des circuits courts, l’encadrement de la livraison rapide et/ou gratuite (responsabilisation des chargeurs, information des consommateurs, limitation de la livraison et du retour gratuits…) ou l’évolution des processus industriels à flux tendus.
Le nombre de kilomètres parcourus par les véhicules routiers a progressé de 41% entre 1990 et 2018. Sur la même période, la quantité de marchandises transportées, exprimées en tonnes.kilomètres, a cru uniquement de 30%.
La demande de transport de marchandises est en effet directement liée à l’évolution de la production industrielle. La réindustrialisation et la décarbonation de l’industrie vont profondément modifier un certain nombre de flux. La sobriété revient à agir sur deux leviers principaux :
- Organisation de la production industrielle (réduction du nombre de mouvements intermédiaires). A titre d’exemple, les animaux vivants sont déplacés en moyenne 6 fois.
- Optimisation de la localisation des activités économiques et des entrepôts logistiques, ce qui relève des industriels et des acteurs de l’aménagement. L’emplacement de ces zones logistiques impacte fortement les déplacements, le choix modal, les distances parcourues…
Pour le Ministère, certaines mesures de sobriété relatives à l’organisation de la production peuvent être mises en œuvre relativement rapidement sous réserve d’un modèle économique soutenable. Néanmoins, la plupart de ces mesures nécessitent du temps pour être déployées ou obtenir des effets. Les mesures identifiées par le gouvernement ont donc pour objectif « d’amorcer » ces changements :
- Mailler le territoire en zones logistiques appropriées et optimiser leur utilisation. Le gouvernement a noté un manque de données sur le recensement des zones logistiques sur le territoire et leurs impacts sur les flux. Une étude sur la demande de transport de marchandises, actuellement en cours, devrait permettre d’avoir de premiers éléments sur ces sujets. L’Etat prévoit ainsi de développer des outils de planification foncière des zones logistiques pour améliorer le maillage territorial en entrepôts et zones logistiques. Il est aussi prévu d’établir un schéma directeur du foncier logistique. Autre sujet évoqué : mettre en place des hôtels logistiques urbains. Le programme LUD+ permet de les accompagner pour aider à localiser et finaliser l’étude d’opportunité. Un cadre méthodologique pourrait être construit notamment pour approfondir le sujet sur les fonctions fer-route et / ou fleuve-route.
- Optimiser et réduire les trajets parcourus pour le transport de marchandises. Les filières peuvent travailler à l’optimisation des trajets nécessaires à leur logistique. Le Ministère entend aussi examiner avec les filières les actions possibles pour réduire le nombre de mouvements de marchandises en modifiant les processus de production. Une première approche exploratoire est envisagée avec les filières « viande » et « automobile ». Pour renforcer l’optimisation réalisée par les transporteurs, l’Etat entend élaborer un guide des bonnes pratiques pour rendre les circuits courts pertinents sur le plan économique et écologique.
Pour travailler sur l’optimisation des flux, le Ministère reconnaît que le remplissage des véhicules est déjà relativement optimisé, pour des raisons économiques, dans la limite des conditions imposées aux transporteurs par les chargeurs ou donneurs d’ordre. Cependant, « cette optimisation peut encore être développée dans certains secteurs et les contraintes imposées par les donneurs d’ordre pourraient dans certains cas être détendues pour permettre de remplir davantage les véhicules ». Pour massifier davantage, le Ministère propose donc d’accompagner ou d’outiller les filières dans la réduction de la fréquence de livraison qu’elles demandent aux entreprises de logistique. Une étude exploratoire est en cours sur les flux entre l’industrie agroalimentaire et la grande distribution qui met en évidence des « pratiques contrastées ». Il s’agira aussi de promouvoir les bonnes pratiques des chargeurs qui s’engagent dans des solutions massifiées, à l’image du programme Mixenn porté par Bretagne Supply Chain. L’optimisation passera aussi ^par la mutualisation et un travail sur les emballages.
En projection, la hausse prévue de la demande totale de transport de marchandises est de 4% en 2030 par rapport à 2019, moins forte que dans un scénario tendanciel (7,5%), grâce notamment aux transformations de l’industrie (recul des industries liées aux énergies fossiles, industrie du véhicule électrique nécessitant moins de pièces et donc de fret que celle du véhicules thermique, recyclage, réemploi…) et des bâtiments (baisse de la construction neuve). L’optimisation du taux de chargement des camions conduit à une hausse du chargement moyen de 8,1 tonnes en 2019 à 8,4 tonnes d’ici 2030.
L’efficacité énergétique devrait aussi constituer un pilier de la décarbonation. La consommation des VUL diesel neufs devrait diminuer de 14% d’ici 2030 par rapport à 2019 et celles des VUL électriques neufs de 20%, soutenue vers une orientation vers des véhicules plus légers, ainsi que par l’écoconduite. La consommation des poids lourds diesel neufs diminuerait, elle, de 15% d’ici 2030 et celle des poids lourds électriques neufs de 10%.
Les projections de consommation énergétique pour le secteur des transports conduisent à une réduction de la consommation énergétique de près de 20% d’ici 2030.
Accélérer sur les modes massifiés
Entre 1990 et 2018, le transport routier de marchandises a progressé de 56%, le transport ferroviaire a, lui, décru de 36%. Les VUL ont connu la plus forte progression de leurs émissions de gaz à effet de serre (+34%) parallèlement à l’augmentation des marchandises transportée par ce type de véhicules.
L’objectif porté au niveau national est de doubler d’ici 2030 la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030 par rapport à 2019 pour atteindre 18%. Côté fluvial, l’objectif est d’accroîter de 50% sa part modale pour atteindre 3% des flux.
Le Ministère entend ainsi développer le transport combiné via des sites intermodaux rail-route et fleuve-route mais aussi développer la multimodalité entre modes massifiés. Le ministère rappelle son objectif de renforcer les investissements pour la régénération et la modernisation du réseau (caténaires, appareils de voie, ouvrages d’art…). Enfin, le SDMP 3 prévoit d’encourager et d’inciter les chargeurs au développement des transports massifiés, en particulier en accroissant le soutien du dispositif des CEE au transport combiné.
Mécaniquement, le transport routier devrait diminuer à l’horizon 2030, passant de 298 Md de tonnes.km en 2019 à 273 Md de t.km (-12%).
Pour accompagner la cyclologistique, le Ministère propose notamment de développer les infrastructures cyclables en ville et les zones logistiques en proximité de cœur d’agglomérations pour permettre le transbordement. Autre proposition : limiter les itinéraires des poids lourds et véhicules utilitaires légers en ville à certains itinéraires (pour massifier) ou certains horaires, et faire les derniers kilomètres en cyclologistique lorsque cela est pertinent.
Rendre visible la logistique et la planifier sur le territoire
Le Ministère entend en parallèle impliquer davantage les acteurs dans la planification écologique et plus particulièrement les chargeurs et les collectivités. Notamment le rôle des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), orientées aujourd’hui sur les voyageurs, pourrait évoluer vers un rôle d’ « orchestrateur de la logistique » au sein d’un territoire.
Pour le Ministère, il s’agit aussi de rendre visibles les enjeux et les flux logistique, et l’intérêt de ceux-ci. Il propose ainsi de sensibiliser les élus et les services techniques des collectivités sur l’intérêt des zones logistiques en ville et de renforcer la place de la logistique dans les outils de planification urbains locaux et territoriaux. Des outils de modélisation pourrait être développés pour éclairer les élus sur les impacts potentiels de leurs choix sur les enjeux logistiques.
L’Etat propose enfin de systématiser l’inclusion, dans les péages autoroutiers de tous les nouveaux contrats de concession, une modulation du tarif en fonction de la motorisation pour tous les véhicules et d’étudier la possibilité de l’étendre aux contrats existants.
Le graphique ci-dessous décompose les réductions d’émissions de gaz à effet de serre obtenues par leviers pour le transport de voyageurs et de marchandises.