Le 22 décembre dernier, le Conseil Régional de la Bretagne approuvait la feuille de route du transport maritime propulsé par le vent. Ce document constitue l’un des piliers de la décarbonation des transports dans la région mais aussi la promesse d’une nouvelle filière créatrice d’emplois sur le territoire.
Assurant 90% du transport mondial, le transport maritime représente 3 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Selon l’Organisation Maritime Internationale (OMI), ces émissions sont en constante augmentation et pourraient atteindre 17 % des émissions globales d’ici 2050.
Il devient urgent de réduire la voilure
Cette évolution n’étant pas compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique, l’OMI s’est engagé en juillet dernier à atteindre la neutralité carbone pour 2050 et à réduire ses émissions de 50 % d’ici 2030 (par rapport à 2008).
Pour répondre à ses objectifs, 3 leviers sont à la disposition du secteur maritime :
- L’efficacité énergétique des navires (technologique, opérationnelle et écoconception) ;
- Le changement d’énergie (recours à des énergies moins carbonées, notamment les biocarburants, les e-carburants mais aussi la propulsion par le vent) ;
- la sobriété (principalement la baisse de vitesse des navires).
Selon l’association Wind Ship, qui représente la filière vélique, la propulsion par le vent pourrait permettre « de réduire les émissions de GES de 5 % à 20 % sur les navires existants, et de plus de 30 % sur les nouveaux navires ».
Les atouts bretons dans le vent
Le savoir-faire breton en matière de compétition à la voile et la construction navale constitue un atout indéniable pour faire de la Bretagne un acteur-clé de la filière vélique.
La région offre également une géographie propice au développement du transport maritime à voile. Elle dispose d’un vivier de compétences dans le secteur grâce notamment au secteur de la voile de compétition et de la Sailing Valley®. Plusieurs entreprises et projets sont déjà engagés, des lignes maritimes existent et de nombreux acteurs de la construction navale et de la logistique souhaitent s’engager en faveur du transport maritime à la voile. Tous les feux sont au vert pour construire une feuille de route régionale autour de ce secteur prometteur.
La feuille de route en 3 actions phares
La Région Bretagne pilotera la feuille de route accompagné par Bretagne Développement Innovation (BDI). Un comité de pilotage est mis en place avec notamment le Pôle Mer Bretagne et Bretagne Pôle Naval. Il sera en charge de la mise en œuvre des actions. Au nombre de 3 pour l’instant, elles pourront être complétées par la suite.
Action n°1 : Renforcer le soutien et l’accompagnement des entreprises de la filière « propulsion par le vent »
En 2021, BDI a réalisé une étude qui démontrait que les acteurs de la voile et de la construction navale avaient déjà pénétré le marché de la propulsion vélique. Cependant, elle mettait aussi en exergue les besoins d’informations et d’accompagnement dans les appels à projet, les financements, et de compréhension du marché.
Les objectifs de cette action sont :
- Créer des emplois en Bretagne dans le domaine de la propulsion par la vent ;
- Poursuivre les efforts de Recherche & Développement concernant des briques technologiques et des sous-ensembles ;
- Faciliter l’industrialisation des technologies ;
- Faire émerger une compétence spécifique en intégration et maintenance des systèmes véliques ;
- Lancer une dynamique d’expérimentation dans le domaine de la pêche ;
- Améliorer l’attractivité de la filière bretonne et la capacité à installer des entreprises du secteur en Bretagne ;
- Renforcer la visibilité de la filière pour aider le développement des acteurs bretons et l’usage des navires à la voile.
Ces objectifs devraient permettre à la filière de créer des emplois, de déployer des projets structurants, de rendre plus visible la filière et d’en faire un levier d’attractivité d’acteurs de référence sur le territoire.
Action n°2 : Favoriser le développement de lignes maritimes propulsées par le vent à partir des ports bretons
Le transport de marchandises est un enjeu concurrentiel pour les chargeurs bretons qui paient leur transport en moyenne 8% de plus que les autres acteurs nationaux en raison de sa périphicité. Mais grâce à sa façade maritime, la Bretagne à un atout majeur. Il faut noter que 28% de l’activité des ports bretons concerne le cabotage (transport courte distance).
Les transports internationaux encaissent la volatilité des prix de l’énergie et par ricochet celle du prix des containers. Seuls 3.8 % des marchandises à destination des autres régions françaises sont transportées par la mer. En matière de transport intra régional, 95 % des marchandises sont transportées par la route. Avec une flotte à 96 % diésel, l’enjeux environnemental est de taille.
Les objectifs de cette action sont :
- Renseigner les flux de marchandises en inter et en infrarégional, afin de déterminer les types de marchandises susceptibles d’être transportés par les caboteurs véliques et les éventuelles contraintes associées ;
- Evaluer l’intérêt, la demande et les contraintes des chargeurs pour ce type de transport ;
- Identifier les éléments clés du modèle économique du transport vélique en fonction des types de navires ;
- Identifier les verrous au développement du transport vélique dans les ports de commerce ;
- Sensibiliser et promouvoir les donneurs d’ordre (chargeurs) aux solutions de transport maritime à la voile ;
- Étudier les dispositifs et les équipements logistiques à développer pour structurer et favoriser le développement du transport maritime à voile et notamment le cabotage ;
- Promouvoir le développement de formations (initiale et continue) dans le domaine de la propulsion
- vélique ;
- Accompagner les acteurs du cabotage à voile dans leur mise en réseau ;
Pour cela, une étude de potentiel du transport maritime par propulsion vélique pour le report modal est en cours de réalisation ainsi que l’identification des infrastructures nécessaires au développement de la filière. Enfin la promotion de ce mode de transport auprès des chargeurs est également l’un des moyens identifiés par la Région Bretagne pour mener à bien cette action. C’est dans cette ambition que s’inscrit Mixenn à compter de 2024.
Action n°3 : Déployer de la propulsion par le vent dans les liaisons maritimes avec les îles
La Région Bretagne est responsable de l’organisation du transport de passagers vers les îles bretonnes. Cela représentait en 2018 2.2 millions de personnes transportées grâce à une flotte de 15 navires.
Les objectifs sont :
- Etudier l’opportunité du déploiement de la propulsion vélique pour les liaisons vers les îles ;
- Utiliser la commande publique pour soutenir les innovations et les premières commandes de solutions de décarbonation.
A travers une étude d’opportunité, cette action devra à moyen terme, œuvrer à la décarbonation des liaisons vers les îles par l’usage de navires utilisant la propulsion vélique.