Créateur de solutions de transport et logistique, Heppner est engagé dans la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre depuis 2010 avec la signature de la charte Objectif CO2. Depuis 2019, la société s’est lancée dans le verdissement de sa flotte de véhicule et accompagne ses partenaires sous-traitant à en faire autant. Doté d’un parc roulant au XTL, au B100, au GNV et Bio GNV et bientôt à l’électrique, le messager croit au mix énergétique. Mixenn a interrogé Noémie Feldbauer, directrice de la transition énergétique chez Heppner.
Mixenn : Où en êtes-vous aujourd’hui dans la transition énergétique de votre flotte de véhicules ?
Noémie Feldbauer : Nous avons commencé en 2019 un programme de transition énergétique dans lequel nous avons planifié la conversion progressive de notre flotte à 2025. Nous avons étudié notre parc, les dates de fin de contrat, les stations d’avitaillement et nous nous sommes fixé un objectif de 50 % de notre parc roulant au GNV en suivant progressivement le renouvellement naturel de nos camions. Je pense même qu’on sera au-dessus. Nous sommes convaincus qu’il faut un mix énergétique, qu’il va falloir combiner les énergies en fonction des usages.
Début 2023, 26 % de nos positions sont livrées en XTL, 15% en GNV et 3 % en bioGNV.
Notre objectif pour 2024 est de passer à 30 % de nos livraisons en GNV et BioGNV et 35 % en biocarburant. Nous allons également recevoir des véhicules électriques qui représenteront 6 % de nos positions livrées. Et le reste c’est de l’EURO 6, nous n’avons quasiment plus d’EURO 5.
Les zones à faible émission sont une contrainte, mais nous livrons en faible émission partout où nous le pouvons, pas seulement là où nous devons. Par exemple, en Bretagne, 10 % de nos positions sont livrées en véhicules faible émission. Alors que les ZFE ne sont pas encore effectives.
Mixenn : Comment accompagnez-vous la transition des flottes de véhicules chez vos sous-traitants ?
Noémie Feldbauer : En 2019, nous avons lancé un pacte de transition énergétique avec nos sous-traitants. Nous sommes partis du constat que plusieurs ZFE allaient se mettre en place et que la plupart de nos sous-traitants avaient des parcs vieillissants, des véhicules aux normes EURO 3 et EURO 4. Nous avions donc une énorme marche à franchir. La sous-traitance représente plus de 60 % des positions que nous livrons. Nous les avons tous rencontrés et sensibilisés sur les enjeux climatiques, de santé publique, règlementaires…
Nous leurs avons fait bénéficier de nos prix négociés pour l’achat de véhicules gaz en échange d’un engagement de 5 ans et d’un niveau de qualité service minimum. Nous les avons également mis en relation avec un partenaire financier pour ceux qui ne pouvaient pas investir.
L’un de nos sous-traitants du Mans et de Laval, nous a fait rencontrer COC100 avec lesquels nous avons mis en place un contrat tripartite (Heppner x notre sous-traitant x COC 100). Le principe est simple : nous mettons à disposition une parcelle de terrain à titre gratuit afin d’y installer une cuve de B100, de l’ordre de 10 à 15 m2. Le sous-traitant prend les travaux à sa charge (dalle béton, raccordement électrique) et le contrat d’approvisionnement du B100 est entre le fournisseur et le sous-traitant. Cette solution est en cours d’installation à Laval et au Mans.
Mixenn : Qui portent ces engagements au sein de votre groupe ? Qui donne le cap et vise ces objectifs précis quant à la transition de votre flotte ?
Noémie Feldbauer : Dans notre politique RSE, nous avons une gouvernance à tous les étages, notre direction générale et le comité exécutif ont sélectionné le projet transition énergétique d’un groupe de travail au sein de l’université Heppner (qui forme une trentaine de nos cadres). Ce projet est depuis devenu l’un les 6 piliers stratégiques de développement avec l’internationalisation, l’expérience collaborateur, l’expérience fournisseur, l’expérience client et la digitalisation.
On parle de RSE et de transition énergétique à tous les niveaux de l’entreprise. La vision est portée au plus haut échelon de l’entreprise, nous avons une équipe dédiée sous la direction opérationnelle et une instance de gouvernance dédiée. Cette vision infuse jusqu’à tous les salariés.
Mixenn : Est-ce une demande voire peut-être même une condition obligatoire de vos clients ? Sont-ils prêts à vous soutenir et participer aux investissements ?
Noémie Feldbauer : Nous avons réalisé en 2020 une enquête qualitative pour savoir si nos clients étaient engagés et s’ils étaient prêts à payer plus cher pour des énergies alternatives. Nous nous sommes aperçus qu’en France la prise de conscience était beaucoup plus forte qu’en Allemagne.
En France il y a 3 typologies de clients :
Il y a ceux qui veulent être neutre en carbone pour 2025 et il faut donc éviter de tomber avec eux dans le greenwashing et donner des objectifs non tenables. Il faut donc les accompagner sur la transition énergétique et leur expliquer quels sont les leviers de décarbonation du transport, les ressources et l’offre disponibles…
Il y a aussi ceux qui ne veulent rien faire, qui ont d’autres priorités.
Et puis il y a ceux qui sont bien au fait des enjeux. Ce sont souvent de grandes entreprises, elles ont plus de ressources pour former et acculturer leurs acheteurs transport. Ces entreprises sont prêtes à bouger, elles nous demandent des moyens dédiés et sont prêtes à payer plus cher. Ces cas sont plus rares.
La plupart des entreprises nous demandent des cotations avec une option en énergies alternatives, mais au final c’est toujours le prix qui prime.
Des clients nous demandent aussi de décarboner sur de la longue distance. Ils doivent accepter de payer plus cher et de rallonger les délais s’ils veulent une autre solution que la route comme le rail-route ou le fleuve-route.
Mixenn : Quels sont les autres leviers que vous actionnez pour réduire votre empreinte environnementale ?
Noémie Feldbauer : Sur la décarbonation de l’énergie, c’est en cours comme expliqué précédemment. En complément, nous livrons en triporteurs dans une quinzaine de villes en France.
Concernant l’efficacité des véhicules, d’ici juin 2023 nous aurons formé tous nos conducteurs à l’écoconduite. Nous travaillons également sur les normes EURO de nos véhicules diesel restant qui devaient être entièrement constitués de camions EURO 6 d’ici 2025.
Pour le report de modal, nous transportons actuellement 27000 tonnes en rail-route et en fleuve-route. Nous souhaitons doubler ce chiffre en 2024. Mais c’est plus complexe. Nous n’avons plus les mêmes infrastructures ni connaissances du ferroviaire qu’il y a 30 ans. De plus aujourd’hui nos clients ne veulent plus attendre 3 jours pour être livrés. Il y a donc un changement culturel à opérer si nous voulons développer le rail ou le fluvial.
Il y a en revanche une dichotomie entre l’impact économique et l’impact carbone des véhicules qu’on utilise et donc de l’optimisation du chargement. L’intensité carbone est plus élevée avec un véhicule 3.5 tonnes (à carburation identique) alors que nous sommes plus productifs qu’avec un poids lourd. D’autant que nous faisons face à une pénurie de chauffeur poids lourd. Tous ces paramètres forment un grand puzzle qu’il faut assembler pour trouver l’équilibre entre les ressources humaines disponibles, les véhicules et énergies disponibles et leur impact carbone.