Ce n’est pas un hasard si c’est sur un site embranché fer du groupe Le Gouessant à Saint-Gérand (56) que l’Etat, la Région Bretagne et SNCF Réseau ont présenté les résultats de l’étude et acté les orientations régionales pour conforter et (re)développer l’utilisation du fret ferroviaire en Bretagne.
Raccordée au réseau ferré reliant Auray à Saint-Gérand, l’usine de nutrition animale Le Gouessant, située entre Loudéac et Pontivy, réceptionne 100.000 tonnes de céréales par an. Pour Michaël Quernez, premier Vice-Président de la Région Bretagne au climat et aux mobilités, il s’agissait de « matérialiser concrètement ce que cela veut dire de faire du fret ferroviaire en Bretagne ». En tant qu’hôte de l’événement, Rémi Cristoforetti, directeur général du groupe Le Gouessant a rappelé « tout l’attachement du groupe à cette liaison ferroviaire », présentée comme « élément structurel du maintien de l’élevage en Bretagne ».
Peut mieux faire sur le fer
En Bretagne, le trafic ferroviaire de marchandises représente 1,2 millions de tonnes transportées par an, soit une part modale de 1,4%, alors que la moyenne nationale s’établit à 9%. Les flux sont par ailleurs peu diversifiés et composés essentiellement de céréales pour l’alimentation animale entre la Bretagne et la région Centre. « L’alimentation représente 82% des tonnages par fer sur la région », a confirmé Frédéric Etève, directeur territorial SNCF Réseau Bretagne Pays de la Loire.
Passé ce constat peu engageant, les trois partenaires ont cependant rappelé que le territoire breton présente aussi plusieurs atouts :
- Un réseau ferroviaire circulaire qui connecte les principaux bassins d’activité et de population de la région
- Des accès au réseau ferré nombreux et variés : 69 Installations Techniques Embranchées (ITE), 4 ports, 9 cours de marchandises, 2 chantiers de transport combiné (CTC) dont un actif à Rennes
- Un chantier de transport combiné (CTC) à Rennes
- Un potentiel de développement, avec des acteurs économiques ouverts au mode ferroviaire. Pour Loïc Hénaff, conseiller régional délégué à la relocalisation, au fret et à la logistique, « le potentiel est là, les entreprises sont prêtes à faire des efforts ». Position confirmée par Rémi Cristoforetti qui s’est dit « prêt à s’engager en durée et en volume pour maintenir et développer les lignes ferroviaires ».
Le fret ferroviaire en Bretagne en quelques chiffres
Le réseau ferré
1 200 km de lignes ferroviaires exploitées
77 km de voies dédiées au fret
14 installations terminales embranchées actives
Les flux
2 000 circulations fret en moyenne par an
1,2 M de tonnes de marchandises transportées par an
1,4 % des tonnages transportés en Bretagne
Multiplier par 6 le fret ferroviaire d’ici 2050
Partant de ce constat, l’État, la Région et SNCF Réseau ont souhaité tracer de nouvelles perspectives en faveur du développement du fret ferroviaire en Bretagne. L’étude a confirmé le potentiel de report modal de marchandises vers le transport ferroviaire.
Après avoir étudié plusieurs scénarios, l’État, la Région Bretagne et SNCF Réseau ont acté une trajectoire et des engagements concrets.
« Collectivement, SNCF Réseau, la Région et l’Etat ont décidé de se doter d’une trajectoire d’engagement : multiplier par 6 le fret ferroviaire d’ici 2050 » a annoncé Loïc Hénaff. « On peut se dire qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux nationaux et européens mais il y a matière à faire de très belles choses. »
Pour Philippe Gustin, préfet de la région Bretagne : « Développer le fret ferroviaire en Bretagne, nous y croyons tous. C’est bon pour le climat et c’est bon pour nos emplois. Le transport de marchandises est indispensable aux activités économiques, pour maintenir une souveraineté, pour assurer l’équilibre des territoires, pour maintenir des chaînes logistiques résilientes. Le transport par fer, c’est un écosystème économique qui soit se renforcer et offrir aux acteurs des choix nouveaux. »
La trajectoire « Faire fer », validée par les trois partenaires, doit permettre d’atteindre trois objectifs stratégiques à court, moyen et long termes :
- Maintenir les flux ferroviaires existants et préparer des conditions du rebond durant la période 2023-2027
- Dynamiser les trafics ferroviaires existants et potentiels durant la période 2028-2040
- Développer des trafics ferroviaires pour de nouvelles filières
Pour Michaël Quernez, avec cette stratégie, la Bretagne se dote « d’une vision claire, d’une stratégie de planification, de financements adossés et [dispose] d’entreprises qui croient dur comme fer au développement du ferroviaire ».
Conforter l’offre existante et préparer le rebond d’ici 2027
Dès 2024, l’Etat, la Région et SNCF Réseau vont commencer par engager des travaux pour préserver voire développer les infrastructures existantes présentant du potentiel, avec la volonté d’atteindre environ 6% de report modal en 2040.
Il s’agira de remettre en état les lignes de desserte fine du territoire Auray-Saint Gérand et Vitré-Gérard (40 M€). L’amélioration des conditions de desserte des industries agro-alimentaires doit favoriser le transfert vers le transport conventionnel par train des matières premières agricoles.
La poursuite des aménagements du Chantier de Transport Combiné (CTC) de Rennes (15 M€) permettra quant à elle de développer de l’offre de transfert route – train en proposant deux allers-retours par semaine supplémentaires. Pour Loïc Hénaff, « il faut encourager la société Lahaye à garder cette dynamique. »
Il est aussi prévu de recréer l’offre « mer + fer », en réhabilitant des voies ferrées portuaires à Brest et Lorient (6 M€). Des installations terminales embranchées (ITE) seront aussi remises en service pour permettre l’accès au réseau ferroviaire de certaines activités, comme celle des granulats (2 M€).
Dans le même temps, une étude portant sur la mise en place d’une gouvernance régionale, facilitant les relations entre acteurs et examinant l’opportunité de l’installation d’un Opérateur Ferroviaire de Proximité (1 M €) sera menée.
Ces opérations, d’un montant total de 64 M€, seront financées dans le cadre du volet « mobilités » du Contrat de Plan État-Région 2023-2027. En fonction des territoires et des montants d’investissements, les collectivités locales et les acteurs privés pourront être sollicités.
Fiabiliser le service pour répondre aux attentes
Pour les partenaires, ces actions ne seront efficaces que si elles sont combinées avec une optimisation de l’exploitation. Il s’agira de garantir la construction d’offre ferroviaire de qualité en favorisant le tracé des sillons réservés au fret et limiter les effets d’éviction du trafic. Une priorité confirmée par Rémi Cristoforetti : « La condition essentielle pour cet exercice est l’exécution du réseau : travaux en gare de Rennes, ouverture des sillons adaptés aux temps de chargement et de déchargement… ».
« L’offre ne correspond pas à la demande ou aux besoins. La fiabilité du service n’est pas au rendez-vous. Dans le monde de la grande distribution, le taux de service attendu est de 99,1%. Tout taux en dessous fait l’objet de pénalités. La fiabilité est absolument nécessaire. »
Loïc Hénaff, conseiller régional délégué à la relocalisation, au fret et à la logistique
Autre sujet porté par Loïc Hénaff, la formation (ou la re-formation) des chargeurs au fret ferroviaire pour que cette option soit étudiée systématiquement par les entreprises.
Accompagner la transition (2028-2040)
Ensuite, sur la période 2027-2040, la stratégie prévoit d’accompagner la connexion des infrastructures régionales aux réseaux nationaux et européens. Le développement du Chantier de Transport Combiné (CTC) de Rennes sera poursuivi. Les accès au réseau seront développés pour favoriser la création d’installations terminales embranchées (ITE) et la mutualisation de leur usage.
La massification des flux sera recherchée et accentuée (plateforme de massification, association des flux de sens opposés, lien avec le dernier kilomètre et la logistique urbaine). La connexion à l’axe Atlantique devrait aider à augmenter les flux européens pris en compte dans le Réseau Trans-Européen de Transport (RTE-T).
Développer des trafics ferroviaires pour de nouvelles filières (au-delà de 2040)
Avec ces premières mesures, les partenaires espèrent qu’au-delà de 2040, les infrastructures et les services offerts seront matures pour accélérer le développement d’activités nouvelles. Un nouveau chantier de transport combiné pourrait voir le jour dans l’Ouest « si les trafics atteignent des volumes compatibles ». Pour s’adapter aux flux intrarégionaux, le développement d’une navette intrarégionale sera étudié au regard des implantations et des filières (wagons isolés notamment).
Les décisions prises dans le cadre de la stratégie « Faire fer » seront intégrés à une future « feuille de route régionale sur la mobilité des biens et des marchandises » qui devrait être finalisée pour début 2025.