L’hydrogène et la mobilité : qui es-tu ? que fais-tu ?

L’actualité fait la part belle à l’hydrogène. La France fait le pari de développer une filière industrielle de l’hydrogène. L’hydrogène adresse de vastes marchés et applications : industrie, mobilité (logistique, marchandises et personnes), systèmes énergétiques (stockage d’électricité, alimentation en énergie de sites isolés) et marché résidentiel.

Pour le marché de la mobilité, le challenge est de développer concomitamment la production de l’hydrogène renouvelable à coût compétitif, le déploiement d’un réseau de distribution au plus proche des usages, le développement d’une offre de véhicules et de piles à combustibles.

En somme, toute une chaîne de valeur industrielle se met en place (Production / Stockage / transport / Distribution / conversion de l’énergie / Application(s) / Maintenance et recyclage). Les maturités technologiques sont diverses. Certaines briques sont au stade commercial mais à l’heure d’aujourd’hui, il n’y a pas de maturité sur l’ensemble de la chaine. Du fait de la nature même de la molécule (petite, volatile, réactive, inflammable), il est nécessaire d’étudier de près les CAPEX et OPEX des solutions. La filière s’attend à une baisse importante des CAPEX sous 3 ans. Quant à la maintenance / exploitation, les opérateurs qualifiés sont encore rares sur le marché.

1. L’hydrogène carboné, bas-carbone ou renouvelable.

L’hydrogène est l’élément chimique le plus abondant de l’univers. L’hydrogène est un gaz, inodore, incolore, non toxique, très léger donc très volatil. Il peut être liquéfié ou comprimé. Très réactif, voir corrosif, il adore se combiner avec ce qui l’entoure. L’hydrogène est très inflammable dans l’air ; sa plage d’inflammabilité est étendue. Il est peu accessible à l’état pur sur terre en grande quantité : il faut donc le fabriquer. Il a la densité la plus faible de tous les gaz.

Sa combustion ne produit ni particules, ni polluants. Il bénéficie d’un excellent rapport énergétique. La combustion d’1 kg d’hydrogène libère 3 fois plus d’énergie qu’1 kilo d’essence. Comme tout autre gaz ou liquide combustible, l’hydrogène présente des risques liés à ses propriétés physicochimiques. Sa faible densité et sa grande diffusivité lui confère notamment une propension à fuir ; il s’échappe facilement. (Ademe, 2015) . Hier, l’hydrogène était un produit chimique utilisé dans l’industrie lourde, demain, il sera un vecteur énergétique, vecteur de flexibilité.

Exit les couleurs gris, bleu ou vert, l’hydrogène tient son ordonnance datée du 17 février 2021. Désormais, nous parlerons d’hydrogène renouvelable, bas carbone ou carboné.

« L’hydrogène renouvelable est l’hydrogène produit soit par électrolyse en utilisant de l’électricité issue de sources d’énergies renouvelables telles que définies à l’article L. 211-2, soit par toute une autre technologie utilisant exclusivement une ou plusieurs de ces mêmes sources d’énergies renouvelables et n’entrant pas en conflit avec d’autres usages permettant leur valorisation directe. Dans tous les cas, son procédé de production émet, par kilogramme d’hydrogène produit, une quantité d’équivalents dioxyde de carbone inférieure ou égale à un seuil.
L’hydrogène bas-carbone est l’hydrogène dont le procédé de production engendre des émissions inférieures ou égales au seuil retenu pour la qualification d’hydrogène renouvelable, sans pouvoir, pour autant, recevoir cette dernière qualification, faute d’en remplir les autres critères.
L’hydrogène carboné est l’hydrogène qui n’est ni renouvelable, ni bas-carbone. »

Sont considérées comme bas-carbone les filières nucléaire et renouvelable (centrales hydrauliques, éolien, photovoltaïque).

2. L’hydrogène doit être produit.

Aujourd’hui, l’hydrogène est fabriqué par vaporeformage de gaz fossile et utilisé principalement dans l’industrie lourde (pétrochimie, fabrication d’ammoniac, raffinage d’hydrocarbures…). Le coût de l’hydrogène obtenu par vaporeformage est de l’ordre de 1.5 à 2 €/kg. Une tonne d’H2 produite par vaporeformage produit également 10 à 11 tonnes de CO2, généralement émises dans l’atmosphère. Le défi qui se pose à la filière : Comment produire de façon massive un hydrogène renouvelable ? L’objectif de décarbonation et le développement de toute la filière se fera à la condition de produire un hydrogène décarboné, compétitif.

En réponse aux impératifs écologiques, d’autres procédés se développent. Ils utilisent des sources renouvelables telles que l’électricité renouvelable, le biogaz, la biomasse. L’électrolyse de l’eau est aujourd’hui la technologie la plus citée. L’électrolyse de l’eau est un procédé électrochimique produisant de l’hydrogène et de l’oxygène à partir d’eau et d’électricité. Préalablement, l’eau utilisée doit être déminéralisée. Mais d’autres technologies n’ont pas dit leur dernier mot ! Il y a la gazéification à partir de biomasse ou de déchets (Bois B, CSR), de biométhane de synthèse, le vaporeformage de biogaz, ou encore la thermolyse de biomasse. La biomasse étant non intermittente, stockable, abondante, relativement bon marché et facile à transporter.

L’hydrogène n’étant qu’un vecteur, son emploi suppose qu’il soit produit, conditionné et converti. Cette cascade de transformation nécessite de l’énergie. C’est pourquoi, une attention particulière doit être portée au rendement énergétique du système production-distribution-application dans son ensemble. Il est primordial de s’assurer qu’il ne faille pas fournir une énergie supérieure à celle que l’on attend en bout de chaîne.

3. La feuille de route bretonne mise sur la mobilité.

La France a des atouts, un bon nombre de démonstrateurs industriels, une expertise, des compétences (Dossier de l’Usine Nouvelle : les 50 pionniers de l’hydrogène vert. La France n’a pas l’intention de laisser passer cette opportunité industrielle ! La Bretagne n’est pas en reste. La Région Bretagne a adopté une feuille de route en juillet 2020. Bretagne Développement Innovation est chargé d’animer cette filière.

La cartographie des projets et des compétences est prometteuse. En terme d’applications, la région Bretagne compte peu d’usages industriels massifs. Le débouché de la mobilité est donc essentiel pour amorcer ces systèmes locaux de production-distribution de carburant hydrogène. La Région mise sur le maritime en convertissant une première flottille de 10 navires pilotes.

Un objectif de conversion de véhicules routiers a été affiché : 2 800 véhicules d’ici 2030 (65% de véhicules utilitaires légers ; 30% de poids lourds ; 30% de véhicules particuliers ; 4% de bus/cars) permettant de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports (soient plus de 45 kTeq CO2 évités) avec, à plus long terme, la volonté de progresser jusqu’à 13% de l’objectif de réduction de GES à 2050 (soit 450 000 véhicules). La Bretagne compte plus de 2 millions de véhicules (ORTB, 2019).

En Bretagne, 80 % du parc de véhicules sont constitués de voitures particulières et 17,5 % de camionnettes et camions. Le parc français a une proportion de camionnettes et de camions un peu plus faible, 1 point de moins qu’en Bretagne.

Reste à savoir à quel prix et pour quel bilan carbone se fera cette transition vers l’hydrogène (Ademe, base carbone ; Ademe, ACV 2020).

L’hydrogène pour quel usage de mobilité ?

Lesprojets foisonnent et l’hydrogène semble présent sur tous les segments de mobilité : le ferroviaire, l’aéronautique, le maritime, le transport routier de marchandises, les transports de voyageur, la mobilité légère jusqu’aux vélos ! Ces segments font l’objet de nombreux développement y compris d’acteurs français (Alstom, Airbus, Stellantis, Renault, Gaussin…). Quant à la mobilité routière, l’offre de véhicules est encore anecdotique et conditionnée à la mise en place d’une solution d’avitaillement.

1. Les véhicules hydrogène, une offre encore anecdotique

Pour développer des projets en mobilité, les développeurs de stations de distribution ont nécessairement besoin d’engagement de consommateurs également pour diminuer le risque de surdimensionnement et les surcouts associés. Le marché européen et français ne semble pas être une priorité de tous les constructeurs dont certains privilégient l’Amérique du Nord ou encore l’Asie.

Trois véhicules légers de type berline sont commercialisées en France : la Nexo de HYUNDAI, la Mirai de TOYOTA, le modèle GLC F-Cell de MERCEDES affichant de 430 à 700 km d’autonomie. Comptez à minima 79000 € TTC. Renault commercialise 2 VUL : le Kangoo de chez Renault (48 300 € HT) et le Master jusqu’à 370 km d’autonomie, équipés de pile à combustible SYMBIO. Le segment des bus présente le plus large choix : 5 modèles pour 4 constructeurs (SAFRA (France), SOLARIS (Pologne), TOYOTA & Caetano, VAN HOOL). [PARENTHESE : l’AFHYPAC a publié un un « livre blanc » très complet sur les bus hydrogène y compris une approche TCO, coût de possession.] Trois constructeurs se positionnent sur les Bennes à Ordures Ménagères. Le segment des engins de manutention pour un usage en entrepôt logistique ou en site portuaire se développe également avec des offres sur le marché de Fenwick ou Still pour les chariots élévateurs ou encore de Gaussin pour les tracteurs de parc. Sur le segment des poids-lourds, la liste des constructeurs dans la course s’allonge mais fore est de constater qu’aujourd’hui, aucun poids-lourds hydrogène n’est commercialisé en France. Les véhicules hydrogène sont encore chers et le choix est limité.

« Le secteur des poids lourds est le dernier des secteurs touchant la mobilité à s’investir dans le domaine de la pile à combustible. Tous les autres – espace, véhicules légers, bus, bateaux, sousmarins, deux-roues, ferroviaire- ont amorcé leurs développements au rythme de la demande, il y a déjà plusieurs années. Ce nouvel axe d’application de la pile à combustible est apparu récemment du fait de la pression environnementale associée à la pollution générée par les poids lourds. Contrairement au domaine des véhicules légers, les applications « poids lourds » n’en sont aujourd’hui qu’au stade d’un début de commercialisation et devraient, au dire de leurs développeurs, connaitre un déploiement important dans un proche avenir. « AFHYPAC, juin 2020.

2. Positionnement de la solution Hydrogène carburant

AvantagesPoints de vigilance
Autonomie
Rapidité de la recharge (vs électrique)
Zéro émissions à l’échappement
Véhicules silencieux
Aides à l’achat
Durée de vie de la pile à combustible
Réseaux de station en émergence
Coût de l’approvisionnement
Coût à l’achat du véhicule (neuf ou retrofit)
Offre de véhicule : modèles peu nombreux

3. Le retrofit, la solution pour amorcer ?

Et si la solution passait par le retrofit : transformer la carburation d’un véhicule thermique afin de faire l’économie de l’achat d’un véhicule neuf, encore prohibitif. Il s’agit d’électrifier un véhicule avec une solution à batteries ou à pile à combustible (hydrogène). Cette solution est disponible dès aujourd’hui, elle s’adresse à tous types de véhicules. La Pile à Combustible et les réservoirs sont calibrés sur-mesure. La profession se structure ; il existe une association des acteurs du retrofit électrique, AIRE.

4. Où faire le plein ?

La mise en place et le maintien d’un réseau d’infrastructures de recharge et d’avitaillement est un enjeu majeur pour le développement des carburants alternatifs. Le réseau de stations Hydrogène s’amorce en France. La Programmation Pluriannuelle de l’Energie table sur 100 stations à horizon 2023 et 400 à 100 stations à horizon 2028. Selon la PPE, le développement de stations de recharge hydrogène se poursuivra selon la logique dite des flottes captives, qui consiste à aider au déploiement de stations à proximité des acteurs qui font le choix de l’hydrogène. Ainsi, le plan de déploiement de l’hydrogène vise à déployer des écosystèmes territoriaux de mobilité hydrogène sur la base notamment de flottes de véhicules professionnels (PPE). Le site Vighy France propose une cartographie des stations et des projets. Les coûts observés sont variables d’une station à une autre, et sont actuellement pour les premiers déploiements en France de l’ordre de 8 à 14 €/kgH2 à la pompe. (source AFHYPAC, 2019). En Bretagne, la première station hydrogène bretonne sera mise en service en octobre 2021 sur le site de Michelin à Vannes portée par Morbihan Energies, Engie et Hygo. De nombreux autres projets sont en réflexion ; la Région Bretagne soutient le développement d’une dizaine de boucles locales de production – distribution d’hydrogène renouvelable. Des projets sont positionnés sur Brest, Quimper, les Côtes d’Armor, Lorient, Redon… BDI, Bretagne Développement Innovation tient à jour une carte des projets de production-distribution d’hydrogène renouvelable en Bretagne. Consultez la carte sur BDI.

L’hydrogène renouvelable constitue un vecteur d’avenir pour la transition énergétique de nos sociétés. La mobilité est un marché prometteur pour cette solution car elle constitue une solution à des verrous liés à la solution 100% électrique (batterie, temps de rechargement, autonomie, charge utile). Un bon nombre de solutions sont encore en phase de Recherche et Développement ou de démonstrateur ; toutefois, l’ensemble des acteurs accélèrent. Dans les prochains mois et années, les points de repères évoqués ici (coût à la pompe, coût à l’achat, modèles disponibles) devraient largement évoluer. La filière mobilité aura besoin de passer à l’industrialisation pour rendre plus accessible cette solution. Les sites de production devront s’appuyer localement sur d’autres usages notamment industriels.