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Transport maritime à la voile en Bretagne : rêve écologique ou réalité économique ?

Publié le 15/07/2025

Dans un contexte de transition énergétique et de congestion routière croissante, la Région Bretagne explore des alternatives durables au transport routier de marchandises. Parmi celles-ci, le transport maritime et plus particulièrement le cabotage (transport maritime régional, national ou intra-européen) utilisant la propulsion par le vent  attire l’attention. Une étude conduite par Zéphyr & Borée, en partenariat avec Bretagne Développement Innovation, dans le cadre du programme européen CEE REMOVE, met en lumière les opportunités – mais aussi les limites – du transport maritime à la voile à l’échelle régionale et européenne.

La Bretagne possède de nombreux atouts pour devenir un territoire pilote du transport maritime à la voile. La proximité entre zones économiques littorales et ports, la concentration de flux sur des axes routiers structurants comme la RN 12 et la RN 165, et l’engagement régional en faveur de la décarbonation forment un socle favorable. La Région a d’ailleurs adopté, en 2023, une feuille de route dédiée au transport vélique, dans l’objectif de :

  • Réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre du transport.
  • Structurer une filière économique maritime innovante, créatrice d’emplois.

Mais à ce jour, aucun service de cabotage maritime de fret à propulsion vélique n’est en activité en Bretagne.

Étude de cas 1 : Brest – Lorient, un test régional révélateur

L’étude modélise un cas concret de transport de marchandises entre Brest et Lorient (134 km), en comparant trois scénarios logistiques :

  1. Voilier cargo + pré/post acheminement en VUL (véhicule utilitaire léger)
  2. Camion poids lourd (PL) en transport direct
  3. Groupage : VUL + PL via entrepôt logistique

Le transport maritime à la voile est 18 fois plus cher que la route directe, et environ 20 % plus cher que le transport en groupage, dans les conditions actuelles.

  • Le schéma en voilier cargo présente une intensité carbone de 112 g CO₂/t.km, contre 96 g pour le camion et 180 g pour le groupage.
  • Cependant, la part du VUL dans le bilan carbone est déterminante : si les distances de pré et post-acheminement sont réduites, le schéma à la voile peut réduire les émissions jusqu’à 30 % par rapport au groupage.
  • Mais il reste plus émissif que le camion complet, surtout si le moteur auxiliaire est trop utilisé.

À l’échelle régionale, le cabotage à la voile ne rivalise pas aujourd’hui avec la route en termes de coût, délai ou fréquence (2 départs/semaine). Il pourrait toutefois convenir à des marchandises à forte valeur ajoutée, transportées en palette, pour lesquelles l’image écologique et l’engagement RSE peuvent justifier un surcoût.

Compte tenu des désavantages logistiques que présente le schéma en voilier cargo (prix, délai, fréquence) en 2025, nous estimons que le transport à la voile n’est pas pertinent sauf pour des cas très spécifiques au niveau regional.

Étude sur le report routier-maritime en Bretagne par la voile – Juin 2025

Étude de cas 2 : Gijon – Brest, un horizon européen plus prometteur

La deuxième simulation porte sur un trajet de longue distance entre Gijon (Espagne) et Brest (France), en comparant :

  1. Un transport routier en tracteur-remorque
  2. Un porte-conteneurs hybride (propulsion mécanique + assistance vélique)

Dans le scénario entre Gijon et Brest, le transport maritime à l’aide d’un porte-conteneurs hybride présente un coût de 2 383 € par conteneur, contre 2 100 € pour un transport routier classique, soit un surcoût de seulement 13 %. Ce faible écart s’explique par les économies d’échelle permises par un navire de grande capacité (100 conteneurs) et par l’optimisation de la propulsion vélique sur une longue distance. À mesure que la taille des navires augmente et que le taux de remplissage est assuré, le coût unitaire du transport baisse significativement, rendant le maritime compétitif par rapport à la route

Le transport entre Gijon et Brest à bord d’un porte-conteneurs hybride permet une réduction très significative des émissions de CO₂, avec seulement 6 g CO₂ par tonne-kilomètre, contre 96 g CO₂/t.km pour le transport routier. Cette performance s’explique par la grande capacité du navire, l’usage prolongé de la propulsion vélique sur une longue distance, et une vitesse modérée qui limite la consommation énergétique.

Ce type de navire peut donc diviser par plus de 10 les émissions par rapport au transport par camion, faisant du cabotage maritime une solution particulièrement efficace d’un point de vue environnemental à l’échelle européenne.

Bien que cette solution soit pertinente sur les plans économique et écologique, la fréquence des départs et les délais de livraison restent un obstacle à son adoption par les chargeurs. Dans un monde où
la logique de flux tendus prédomine, cela constitue un obstacle majeur.

Étude sur le report routier-maritime en Bretagne par la voile – Juin 2025

Conclusion de l’étude

Sur des trajets de plusieurs centaines de kilomètres, les économies d’échelle rendent le cabotage maritime à la voile compétitif. La capacité (jusqu’à 100 conteneurs), la régularité des flux, et l’utilisation prolongée de la voile en pleine mer maximisent les bénéfices environnementaux.

Le principal frein reste la fréquence et la rapidité de livraison, qui ne répondent pas aux exigences du transport en flux tendu.

Pour améliorer la compétitivité du cabotage vélique, plusieurs pistes sont proposées :

  • Réduction des coûts portuaires et d’escale, grâce à des conventions spécifiques.
  • Utilisation de navires existants rétrofités, pour limiter les investissements.
  • Manutention autonome à bord des voiliers, pour gagner du temps à quai et réduire les frais de manutention.
  • Création d’entrepôts en bord à quai, pour éviter les VUL.
  • Engagement contractuel des chargeurs, garantissant des volumes réguliers et bilatéraux sur le long terme.
  • Garantir un nombre de rotation suffisant en limitant le temps à quai.

L’étude conclut que le cabotage vélique est une alternative crédible mais ciblée :

  • Peu adapté aux flux industriels massifiés pour le vrac et à faible valeur ajoutée ‘(représente 80 % des flux en Bretagne)
  • Pertinent pour les palettes et conteneurs à forte valeur ajoutée, notamment sur longues distances (représente 20 % des flux en Bretagne)
  • Utile pour expérimenter et structurer une filière d’avenir, autour de la décarbonation maritime.

La réussite du cabotage à la voile passe par une vision à long terme, une coordination logistique fine, et l’implication des chargeurs. Il ne remplacera pas le transport routier, mais peut en réduire la pression, tout en servant de vitrine pour l’innovation verte et l’économie bleue bretonne.